Si l'arrivée longtemps ajournée du nouvel
album des Catchers ne saurait susciter l'émoi
frissonnant embrasé par la réanimation de
Mercury Rev, elle a néanmoins de quoi exaucer
les vœux de tous les énamourés de leurs chansons
familières et fragiles, de ces refrains candides
l'évidence lumineuse. Quatre ans d'attente
dont on entrevoit sans peine la source: comment
donner suite à Mute, un disque qui ponctuait
l'expression des frustrations empreintes
de la solitude et du désarroi cultivés sous
la grisaille d'un bourg d'Irlande ? Comment
conjurer l'autoparodie, déjouer les risques
d'embourbement dans la commémoration d'une
mélancolie adolescente forcément surie ?
Les Catchers ont préféré attendre vivre dans
le monde extérieur plutôt que dans une coquille,
s'adonner aux exercices en plein air qui
accroissent les forces et aguerrissent les
caractères Pas de musculation ou de stage
de motivation pour cadres au dynamisme amolli,
mais simplement de quoi tenir sa guitare
à bout de bras et relever les yeux sur scène
D'avantages affermies qu'alourdies les chansons
de Stooping to fit ont appris à occuper l'espace
et à expérimenter les contrastes climatiques
dénotant au passage (Halfawake ou This is
not my home) que Les Catchers n'ont rien
manqué du succès de Radiohead. Passées des
velléités de fugues de Salinger aux envies
d'ailleurs de Conrad, les voix de Dale et
Alice s'enhardissent, se mêlent des tableaux
sonores plus brusques et tourmentés tout
en demeurant étonnamment proches et touchantes
Ne réfrénant plus leurs envies de panache
ou de pompe, Les Catchers abusent parfois
d'enveloppes sonores à la grandiloquence
déplacée Plus adultes, ils n'échappent pas
toujours aux figures empesées du rock conventionnel.
Mais, comme sur leur Aqualapping au charme
de retrouvailles intimes c'est précisément
derrière cette maturité affichée que réside
le prix de leurs chansons, dans la persistance
sourde d'une pudeur intangible et d'une amertume
tenace qui brouillent leur confiance et leur
maîtrise advenues, y infusant des teintes
spleenétiques d'autant plus venimeuses qu'ils
en percent maintenant l'illusion. |