Stooping To Fit Les Inrockuptibles
(Setanta/LP/CD)
Frederic Denizet
Si l'arrivée longtemps ajournée du nouvel album des Catchers ne saurait susciter l'émoi frissonnant embrasé par la réanimation de Mercury Rev, elle a néanmoins de quoi exaucer les vœux de tous les énamourés de leurs chansons familières et fragiles, de ces refrains candides l'évidence lumineuse. Quatre ans d'attente dont on entrevoit sans peine la source: comment donner suite à Mute, un disque qui ponctuait l'expression des frustrations empreintes de la solitude et du désarroi cultivés sous la grisaille d'un bourg d'Irlande ? Comment conjurer l'autoparodie, déjouer les risques d'embourbement dans la commémoration d'une mélancolie adolescente forcément surie ? Les Catchers ont préféré attendre vivre dans le monde extérieur plutôt que dans une coquille, s'adonner aux exercices en plein air qui accroissent les forces et aguerrissent les caractères Pas de musculation ou de stage de motivation pour cadres au dynamisme amolli, mais simplement de quoi tenir sa guitare à bout de bras et relever les yeux sur scène D'avantages affermies qu'alourdies les chansons de Stooping to fit ont appris à occuper l'espace et à expérimenter les contrastes climatiques dénotant au passage (Halfawake ou This is not my home) que Les Catchers n'ont rien manqué du succès de Radiohead. Passées des velléités de fugues de Salinger aux envies d'ailleurs de Conrad, les voix de Dale et Alice s'enhardissent, se mêlent des tableaux sonores plus brusques et tourmentés tout en demeurant étonnamment proches et touchantes Ne réfrénant plus leurs envies de panache ou de pompe, Les Catchers abusent parfois d'enveloppes sonores à la grandiloquence déplacée Plus adultes, ils n'échappent pas toujours aux figures empesées du rock conventionnel. Mais, comme sur leur Aqualapping au charme de retrouvailles intimes c'est précisément derrière cette maturité affichée que réside le prix de leurs chansons, dans la persistance sourde d'une pudeur intangible et d'une amertume tenace qui brouillent leur confiance et leur maîtrise advenues, y infusant des teintes spleenétiques d'autant plus venimeuses qu'ils en percent maintenant l'illusion.